L'INVASION DES " HOMMES DU NORD "

Les bouleversements ethniques, commencés au Ve siècle par l'arrivée des Scots et des Anglo Saxons, se poursuivirent au VIIIe siecle par celle de nouveaux envahisseurs venus de Norvège sur leurs bateaux invincibles que nous appelons à tort des " drakkars ". Les historiens anglais les nomment d'un terme générique, les Norsemen les hommes du Nord (pour éviter toute confusion avec les Normands de Guillaume le Conquérant, de même origine, mais beaucoup plus tardifs, nous utiliserons, pour les désigner ici, le terme de Vikings, " guerriers de la mer", qui nous est plus familier)

 

Ce sont eux qui, sous le nom latin de Normanni, terrorisaient la France de Charles le Chauve et de Charles le Simple. " A furore Normannum, protege nos Domine ", chantait-on dans les églises. Les ravages et l'épouvante n 'étaient pas moindres dans l'île britannique, les Vikings ne faisant pas de différence, dans le pillage et les massacres, entre populations celtiques et germaniques: la destruction de l'abbaye anglo-saxonne de Lindisfarne fait pendant à celle de l'abbaye scote d'Iona. L'historien écossais Alfred P. Smyth parleà leur propos d'une cruauté " quasi pathologique ".

 

La civilisation des Vikings nous est assez bien connue, grâce aux nombreuses trouvailles archéologiques et aux sagas, poèmes épiques à demi légendaires conservés à partir du VIIIe siècle. Après les premières expéditions de pure razzia vers 790-800, les hommes du Nord s'installent à demeure, d'abord dans les îles Orcades, Shetland et Hébrides, puis sur la terre ferme en Caithness et Sutherland. En vagues successives, ils fondent un royaume en Irlande (Dublin sera une ville scandinave pendant un siècle et demi) et pénétrant au coeur de l'Angleterre, s'emparent d'York en 866 d'où ils chassent les Anglo-Saxons.

 

Aux IXe et Xe siècles, l'implantation des Vikings est un élément essentiel de l'échiquier politique militaire dans le nord et l'ouest des îles Britanniques. Entre les Scandinaves des Orcades, ceux de Dublin et ceux d'York, les rois scots sauront jouer un jeu habile d'alliances qui leur permettra, en fin de compte, de rafler la mise à leur profit vers le milieu du XIe siècle.

 

Certains historiens pensent qu'aux VIIIe-IXe siècles le climat de l'Ecosse et des îles était plus doux qu'aujourd'hui, ce qui expliquerait le développement d'une civilisation assez évoluée dont témoignent les sites archéologiques scandinaves de l'île de Saint-Ninian, d'Underhoull et de Jarlshof dans les Shetland, de Birsay et de Bucquoy dans les Orcades : longues maisons aux murs de pierre et de terre battue, culture de l'avoine et du fourrage, élevage du mouton et des bovins, tissage de la laine, usage d'argenterie et de bijoux dorés à motifs géométriques. La pêche en mer représentait évidemment une source d'alimentation importante.

 

Les Vikings étaient païens; une tombe exhumée dans l'île de Colonsay (Hébrides intérieures) montre qu'un chef s'était fait inhumer là dans son vaisseau, avec ses armes, ses chevaux et des monnaies. Les philologues nous enseignent que les noms d'îles terminés en ay sont de langue scandinave; presque tous les toponymes des Orcades et des Shetland et plusieurs des Hébrides appartiennent à ce groupe linguistique.

 

En dehors des îles, on recense des établissements scandinaves dans le nord de l'Ecosse (Caithness, Sutherland), et même dans le Sud-Ouest (Dumfries, Wigtown). Mais les relations de ces territoires conquis par les Vikings aux VIIIe-IXe siècles avec les royaumes voisins, scots, britons, pictes ou anglo-saxons restent essentiellement conflictuelles.

 

Si les îles du Nord étaient destinées à demeurer sous domination scandinave jusqu'à une époque avancée de l'histoire, les populations nordiques implantées dans les Hébrides et sur la terre ferme furent apparemment assimilées assez rapidement par les peuples établis avant elles. A part les noms de lieux, on ne relève guère de traces durables de l'implantation des Vikings au sud du Caithness et du Sutherland.