A peu près contemporain de l'arrivée des Scots venus d'Irlande sur la côte ouest de l'Ecosse, un autre peuple, appelé lui aussi à une brillante destinée, pénétrait par le Sud-Est. Il s'agit de gens venus de l'autre côté de la mer du Nord, soit du Danemark, soit d'Allemagne septentrionale; les chroniqueurs de l'époque les nomment Angli ou Saxones (les deux termes étaient reconnus comme équivalents: Gens Anglorum sive Saxonum, écrit Bède au VIIIe siècle ; le nom composé Anglo Saxons, bien que moderne, a l'avantage de fondre en une seule les deux appellations synonymes).

Ils s'étaient installés d'abord dans le sud de la Britannia en y fondant de petits royaumes indépendants, Wessex (Saxons de l'Ouest), Sussex (Saxons du Sud), Essex (Saxons de l'Est). D'autres groupes s'établirent au nord du Humber, autour d'York et de Bamburgh, sous le nom de Bernicia et de Deira. Ces deux groupes fusionnèrent ensuite pour former le royaume de Northumbria, qui s'affirma, au VIIe siècle, comme l'une des puissances principales de l'île britannique et fit preuve d'une force conquérante lourde de conséquences pour l'avenir.

À l'inverse des Britons et des Scots (et peut être des Pictes), les Anglo-Saxons n 'étaient pas des Celtes, mais des Germains. Ils étaient païens à l'origine, mais adoptèrent le christianisme à partir du VIe siècle grâce à l'évangélisation de l'évêque Augustin, envoyé par le pape Grégoire le Grand. La chose a son importance, car il s'agit d'une autre forme de christianisme que celle des Scots et des Britons: ce sera, au VIIIe siècle, l'un des points de discorde les plus marqués entre les deux civilisations.

Dès 603, le roi anglo-saxon de Northumbrie Aetheifrith bat les Scots de Dalriada à " Degrastan " (lieu non identifié), puis, dix ans plus tard, les Britons à Chester. Le récit de cette dernière bataille, sous la plume de Bède, contient un épisode caractéristique: des moines irlandais de Bangor, venus pour soutenir de leurs prières leurs frères celtes, furent massacrés après la défaite par les AngloSaxons; et Bède, lui-même moine, mais anglo-saxon, attribue leur punition par Dieu au fait qu'ils avaient refusé de se rallier à la liturgie romaine. La bataille de Chester, grande victoire pour les Anglo-Saxons, leur permit d'atteindre la mer d'Irlande et sépara définitivement les Britons de Strathclyde de leurs frères du pays de Galles.

Sous les rois Oswald et Oswiu (633-670), la Northumbrie anglo saxonne s'étend vers le nord. Aux environsde 650, elle atteignait le fifth of Forth. Une nouvelle fois - comme au temps d'Agricola et de Septime Sévère, l'Ecosse était menacée d'annexion par un conquérant venu du Sud.

Une nouvelle fois, le conquérant fut arrêté au nord du Forth, cette fois à " Nechtansmere " (Dunnichen Moss, près de Foffar). Cette bataille, livrée en 685, marque le point ultime de l'avance des Anglo-Saxons vers le nord, comme celle de Mons Graupius, en 83, avait marqué l'arrêt des Romains. Nechtansmere est devenu pour les nationalistes écossais d'aujourd'hui une sorte de symbole; son treizième centenaire a donné lieu, en 1985, à des manifestations historico-folkloriques qui ne doivent cependant pas faire oublier que les Anglo-Saxons, après la défaite - où fut tué leur roi Egfrith -' demeuraient les maîtres du pays au sud du Forth, et qu'à l'ouest ils occupaient la moitié du royaume briton de Strathclyde.