Notons tout d'abord l'absence presque totale du cricket comme sport populaire. Ce sport spécifiquement anglais, qui continue de prospérer dans le Commonwealth blanc mais aussi aux Antilles, en Inde et au Pakistan, n'a pas eu beaucoup de succès en Écosse sans doute parce qu'il est vu comme une forme d' " anglicisation ".

Sa place est tenue par le golf; presque chaque village écossais a son terrain de golf et l'Écosse est probablement un des rares pays du monde où le golf soit un sport ouvert aux classes populaires. Notons aussi que les sports spécifiques aux Hautes Terres, malgré le succès des Highland Games fête touristique et folklorique aussi bien que sportive), s'ils sont assez vivants localement, ne conquièrent guère de nouveaux adeptes dans le reste de l'Écosse.

C'est le football, ce sport international entre tous, qui donne au public écossais et notamment au public masculin, l'occasion d'une communion patriotique.

Il faut d'abord faire une distinction (comme en Angleterre) entre les deux " football ", le rugby-football ou rugger communément connu sous le nom de rugby (à XV) en France et l'association-football ou soccer que les Français appellent football. Des deux, c'est le dernier le plus populaire, encore que, chaque année, le tournoi des Cinq Nations souligne à l'attention des sportifs des deux côtés de la Manche, le caractère multinational du Royaume-Uni, nous l'avons déjà remarqué.

Et c'est beaucoup grâce au football (considéré comme sport mais aussi comme spectacle) que la population écossaise - et notamment la classe ouvrière - s'identifie à l'Écosse. On notera à ce propos que la concurrence de la télévision a beaucoup moins gêné le football que le cinéma.

En 1963, il y avait encore près de 46 millions d'entrées dans les cinémas, soit neuf par tête de population; en 1978, ces entrées étaient réduites à 12 271 000 soit 2,4 par habitant. Pendant la saison 1963-1964, on avait compté 4 579 000 entrées aux matches de football professionnel ; pendant la saison 1978-1979 ces entrées étaient encore de 3 598 000. Si l'on tient compte uniquement de la population masculine, on passait donc par an d'environ deux entrées par personne à une entrée et demie. En outre, selon un sondage publié par le Scotsman1, à la fin de la saison 1979-1980, 80 pour cent des hommes écossais avaient assisté à un match de football au moins, 50 pour cent se déclaraient supporters d'une équipe précise mais 15 pour cent seulement avaient assisté régulièrement à ses matches et 23 pour cent quelquefois; en outre, 69 pour cent déclaraient regarder régulièrement des reportages de matches de football à la télévision. Le journal d'Édimbourg résumait ces chiffres par le titre éloquent : " L'Écosse est toujours fanatique de football ", malgré les difficultés financières qui, là comme ailleurs, affectent les clubs.

Notons également que l'organisation professionnelle du football écossais, Scottish Football Association, créée en 1873, est entièrement indépendante de l'association anglaise et organise son propre championnat, avec trois divisions, et sa coupe.

L'Écosse participe également en tant qu'entité séparée aux rencontres internationales de football où elle se distingue - en 1998, l'Écosse a participé à la phase finale de la Coupe du Monde pour la septième fois d'affilée -quelquefois davantage que l'équipe d'Angleterre, à la grande satisfaction de l'opinion locale.

Joueurs écossais (sauf pour les professionnels qui sont recrutés par des équipes anglaises, et, là encore, il y a émigration nette) et anglais n'avaient donc qu'une seule occasion de s'affronter: lors de la rencontre " internationale " annuelle Écosse-Angleterre qui soulevait beaucoup de ferveur patriotique dans les deux pays mais certainement bien davantage en Ecosse. Témoin cette affichette alléchante qu'un patron de pub avait placée sur sa vitre lors de la rencontre de 1980:

Match Écosse-Angleterre

A chaque but écossais,

tout whisky commandé sera doublé.

 

Cette rencontre n'est plus annuelle depuis le milieu des années 1980. En effet, les défoulements patriotiques qui l'accompagnaient étaient l'occasion, notamment chez les supporters écossais, de scènes d'ivrognerie qui dégénéraient en violence et en vandalisme. Certes, ces jeunes vandales (hooligans) ne constituent pas une spécialité des clubs écossais; au contraire, dans les années 1980, ce sont les hooligans anglais qui ont fait le plus parler d'eux, notamment à l'étranger.

Les avantages de l'autonomie du football écossais se sont d'ailleurs manifestés d'une manière éclatante, après la catastrophe du Heysel qui a valu aux clubs anglais d'être interdits de coupes et de championnats en Europe pendant cinq ans contrairement aux clubs écossais, à la grande satisfaction de l'opinion locale.

Autre intrusion de la violence et de la politique - ou Si l'on préfère de l'histoire dans le sport: la rivalité entre les deux grands clubs de Glasgow, les Rangers, " protestant " et " écossais ", le Celtic plutôt irlando-catholique. L'un et l'autre club appartient à la 1 ère division de football; aussi chaque match Rangers-Celtic soulève-t-il les passions à Glasgow, passions encore plus exacerbées quand les deux équipes se retrouvent en finale de la coupe d'Écosse.

Cette rivalité des deux clubs de Glasgow est, en quelque sorte, la forme symbolique que prend en Écosse le conflit intercommunautaire d'Irlande du Nord. Elle est encouragée en sous-main par certaines loges orangistes d'un côté, les supporters clandestins de l'IRA de l'autre. Un peu atténuée ces dernières années, elle sert de défoulement privilégié à des passions qui, exprimées dans le strict domaine politique, seraient autrement plus redoutables.