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Le traité d'Union a donc assuré le maintien d'institutions auxquelles l'Écosse était - et reste - profondément attachée : son Église, son droit et son enseignement.
Mais le particularisme de l'Écosse s'affirme également dans des institutions qui ne pouvaient guère exister à l'époque : les mass média et le sport par exemple. En outre, l'absence d'un système politique complet, et notamment d'une assemblée politique élue à l'échelle de l'Écosse, a favorisé le développement d'un réseau de groupes de pression qui ont établi des liens directs avec les administrations écossaises sans passer par Londres.
Malgré leurs caractères distinctifs, la plupart de ces institutions et organismes sont menacés par une anglicisation sournoise qui, au nom de la commodité et de l'empirisme, a été souvent tolérée et même causée par des gens qui se veulent tout aussi patriotes que les nationalistes. Ce n'est pas là le moindre paradoxe de l'Écosse moderne que c'est généralement au nom d'un patriotisme compris différemment que s'affrontent nationalistes et unionistes.
Une société différenciée
Une structure démographique homogène :
Peut-on dire que l'Écosse soit, dans sa structure démographique, très différente de l'Angleterre ? Jusqu'à un certain point, oui. D'abord, la densité de la population y est plus faible qu'ailleurs dans le Royaume-Uni ; elle est même inférieure à la densité de l'Irlande du Nord : 65 habitants au km2 en Écosse contre 111 en Irlande du Nord, 136 au Pays de Galles et 361 en Angleterre.
Cette moindre densité s'explique par la proportion plus grande de territoires à peu près déserts au nord comme au sud de l'Écosse. Par contre, la ceinture industrielle du centre-ouest est au moins aussi densément peuplée que certaines régions industrielles de l'Angleterre, comme l'atteste la "conurbation" de la Clyde qui, avec 1 713 287 habitants en 1981, représentait 33,5 pour cent de la population écossaise.
D'ailleurs les trois quarts de la population écossaise vivent dans les villes. L'Écosse, après avoir été un pays de forte immigration nette dans le passé, est devenue, â partir de 1870, un pays d'émigration nette. Entre les recensements de 1951 et de 1961, 282 000 personnes ont quitté l'Écosse ; entre 1961 et 1971, elle a perdu 326 500 personnes, dont une moitié environ s'est dirigée vers le reste du Royaume-Uni, l'autre vers l'outre-mer. Bien qu'elle ait eu tendance à diminuer récemment, l'émigration représentait encore une moyenne annuelle de 10 000 personnes au milieu des années 1970. Cependant, jusque vers 1974, une croissance naturelle plus forte que celle de l'Angleterre permettait à la population écossaise de croître régulièrement, comme l'atteste le tableau ; depuis 1974, on assiste à un recul lent mais qui paraît inexorable.
La forte émigration a eu deux conséquences sur la structure de la population qui soulignent la différence avec l'Angleterre ; bien que fortement urbanisée, l'Écosse est surtout un pays de petites villes ; seules quatre villes ont plus de 100 000 habitants :
Glasgow (681 400 hab.),
Édimbourg (418 900 hab.),
Aberdeen (213 000 hab.),
Dundee (171 520 hab.) ;
encore cette population a-t-elle fortement régressé puisque les quatre villes avaient respectivement, au recensement de 1971: 983 546, 472 224, 208 356 et 197 535 habitants.
Seule grande ville à avoir progressé : Aberdeen, pour des raisons économiques évidentes liées aux activités pétrolières. La deuxième conséquence, très importante sur le plan politique, c'est l'absence presque complète d'immigration de couleur : en effet, on dénombre approximativement 60 000 habitants de couleur en Écosse, soit 1,3 % de la population globale, presque tous d'origine asiatique (Indiens et Chinois surtout), dont plus de la moitié vivent à Glasgow. Si l'on compare ce chiffre à l'importante minorité de couleur installée en Angleterre (environ trois millions, soit 6,2 % de la population anglaise), il apparaît que la question des relations raciales ne se pose que dans la seule Angleterre.
De fait, l'Écosse a été épargnée par les émeutes dites " raciales " de 1981 et 1985. Néanmoins, l'implantation des gens de couleur s'est accélérée en Écosse depuis quelques années, certains immigrants redoutant les tensions que connaissent certaines villes anglaises; aussi la Commission for Racial Equality a-t-elle étendu son action en Écosse, à titre préventif surtout, ses responsables craignant que le haut niveau du chômage ne mette à mal l'harmonie des relations raciales qui a prévalu dans le passé.
Cependant, jusqu'à présent, la minorité de couleur a fort peu pesé sur le niveau de l'emploi ; en effet, environ un quart d'entre elle forme une petite classe moyenne d'entrepreneurs (commerçants, restaurateurs, artisans) qui a créé plus d'emplois qu'elle n'en a pris à la classe ouvrière écossaise. Si l'on estime que 5 pour cent de la population sont nés en Angleterre ou au Pays de Galles, cela veut dire que près de 95 pour cent sont de souche écossaise ou irlandaise.
Par souche irlandaise, on entend essentiellement les descendants de la vague d'immigration irlandaise qui a affecté le centre-ouest de l'Écosse pendant la majeure partie du XIXe siècle, résultat simultané des famines irlandaises et du développement sauvage de la Clyde.
Cette population d'origine irlandaise s'est relativement peu déplacée à l'intérieur de l'Écosse et représente de nos jours environ 20 pour cent de l'ensemble de la population. Elle est largement majoritaire dans certaines villes industrielles de la Clyde et elle a redonné vigueur à une Église catholique largement décimée par les persécutions des XVIIe et XVIIIe siècles.